Priere psaume 22
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
La question du psaume est une des dernières parole du Christ en croix
Parole,
Mise en mots d’un cri
Cri de souffrance,
Cri de désespérance
Tu avais un jour ordonné, Jésus,
Que le temple soit détruit
Tu le rebâtirais en trois jours.
Le temple c ‘est toi, qui cherche Dieu
Le temple, c’est toi l’orant.
Elle demeure la demeure de Dieu
Le corps des humains est la demeure de Dieu.
C’est pour cette parole que tu meurs sur la croix
Tu l’avais dis
Mais tant de douleurs
Mais tant de souffrances
Réduisent la mémoire.
Te voici rivé à la croix
Où tu expires
En une agonie clouée dont sont dépossédés les tiens.
Qui, crucifié, croirait à la délivrance ?
Qui croirait à la délivrance d’un crucifié ?
La délivrance est l’espoir des prisonniers
L’attente des femmes qui accouchent,
Mais pour le crucifié il n’est rien d’autre que les ténèbres
Où vient s’abîmer le mourir.
Ta nuit sans silence
C’est la nuit sans repos
La nuit du cri sans parole
La nuit de celui qui tremble craignant de s’effondrer
Le jour, la nuit, ton cri est sans réponse
Et pourtant tu mets en mots ton cri :
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Tu mets en mots le cri
Qui condense toute détresse
Détresse du tout petit
Et détresse du mourant.
Avec tous
En tout les tout petits de tous les temps
Tu revis les agonies premières,
Celles que chacun éprouve
A peine sorti du ventre de sa mère
Quand nulle tendresse,
Nul embrassement
Ne vient à sa rencontre.
Ma mère, mon père pourquoi m’avez vous abandonné à mes tourments
Moi qui n’avais pour me faire entendre que des pleurs et des cris
Mieux vaut dévorer le sein de sa mère
Et en mourir peut-être que d’être abandonné.
L’horreur de la déréliction
La peur du grand vide, d’un saut où l’on s’écrase
C’est là l’épreuve de celui qui va mourir
L’épreuve des derniers moments
Il est venu le temps de l’anéantissement
Le corps se morcelle en mille éclats sanglants
Il se liquéfie comme cire
Se disperse déjà comme cendre
Quel amour, quelle tendresse
Pourrait-il contenir
Tenir ce corps d’angoisse
Finira-t-il de mourir
Quand on le laissera tomber ?
Ceux qui vont mourir
Déplacent volontiers sur les bêtes sauvages
La menace d’une cruauté associée à la mort.
Dans une noire rêverie
Les mourants posent cette question
Pourquoi me laissez-vous sans secours, sans défense
Etre une proie entre les crocs de bêtes ?
En ton agonie parlée
Tu rejoins toute agonie
Celle de ceux qui ne parlent pas encore
Celle de ceux qui en fin de partie
Vivent la grande épreuve de la dévastation.
Ce passage
Pour d’autres a déjà eu lieu
Ils ont cru
Ils ont espéré
Dans leur tradition, Jésus, tu t’inscris
Ton cri se coule dans leurs poèmes
Ton cri se fait alors parole
Parole qui t’enveloppe mystérieusement
Dans le ténébreux apaisement de l’ultime.
Ton supplice arrive à sa fin
Tu es près de mourir
Tu n’as plus forme humaine,
Tu ressembles à un ver, un presque rien
Tu te moques de toi-même.
On te raille sans pitié
Comment ne pas voir masqué
Par discrétion
Dans la dérision des puissances et des certitudes
Un nouveau visage du divin ?
Et te voilà, Jésus,
Priant la parole poétique
De ceux qui cherchent Dieu.
En deçà de la conscience
Tout ton être cloué sur la croix
Implore Dieu
Dieu qui n’est pas celui qui te frappe.
La parole priante des humains
Est la réponse que tu reçois.
Ta supplique est ta délivrance.
SUR UN BOUT DE PAPIER
C’est la Parole qu’on cloue sur la croix
Toi l’immense
Dieu verbe qui t’es fait tout petit en Jésus
Mort sur la croix, t’anéantissant, nada
Notre Dieu est le seul puisqu’il est tris
De son unique fils
Dans sn unique fils
Notre Dieu se fait une chétienté de fils et de fills
Dieu qui s’abaisse, ami des hommes jusqu’à se faire homme
Tu fais des hommes dans l’enlacement de leur communion
Des dieux
SUR UN AUTRE BOUT DE PAPIER
Supplicié
Tel un infâme
Entre deux anonymes
Moins que rien
Tu es aussi l’enfant ;le tout petit
Couché dans une crèche
Prêt à tendre, un jour, les bras
De la crèche à la croix, toi
De la crèche à la croix où tu étends les bras
Et ton corps tout entier